Le feuilleton

Petite escapade

Résumé de l'épisode précédent:
Françoise ne se trouvait en fait pas dans le cerveau d'un auteur comme le prétendait Sophie Barjac. Cette dernière, droguée par Fafa et ses associés, ayant créé une société à but hallucinatoire, était victime de délires et simplement devenue un simple pion sur l'échiquier. Françoise, cherchant à s'enfuir du lieu inconnu dans lequel elle se trouvait, venait de pénétrer dans une salle abusivement illuminée.

La pièce était éclairée par d'immenses projecteurs dégageant un flux et une chaleur inimaginables. Une douleur oculaire empêcha pendant quelques secondes Françoise de collecter les informations nécessaires à une analyse logique, comme l'avait appris à l'université. Mais l'odeur la renseigna quant au contenu de la pièce: des plants de cannabis devaient s'épanouir à profusion!!! Deux secondes et demie plus tard, ayant recouvré la vue, elle aperçut effectivement des dizaines de plantes méthodiquement entreposées. A en faire pâlir Cannabioland... C'est vrai qu'avec l'éclairage dont elles disposaient, n'imprte quelle plante serait à même de livrer sa substantifique moelle. Fafa n'avait pas l'habitude de faire le travail à moitié.

Toujours avec Sophie Barjac dans les pattes, il fallait qu'elle trouve la sortie le plus rapidement possible avant de tomber sur des personnes indésirables. Malheureusement, des hommes camouflés à l'aide de plants de cannabis jaillirent de part et d'autre. Elle reconnut tout de même Fafa, habillé d'une tenue peu conforme à sa classe habituelle, je vous l'accorde. Au bénéfice d'un regain de lucidité, Françoise se rendit compte que l'histoire allait encore évoluer. Elle vit s'abattre sur elle un linceul parfumé, probablement de l'acide chlorhydrique. Elle hurla en choeur avec Sophie. Et puis le trou noir.

A mille lieues
Françoise se réveilla en pleine rue, aux côtés de Mademoiselle Barjac qui était encore endormie. Elles étaient couchées à même le sol, mais Françoise commençait à avoir l'habitude des lieux peu confortables avec tout ce qu'elle avait vécu ces derniers temps. Elle réalisa vite qu'elle n'était pas à Fribourg. Tout d'abord les bâtiments et l'atmosphère qui se dégageait de la rue étaient différents, mais également les personnes qui passaient, non sans lorgner vers les deux jeunes filles, ne parlaient pas français. Elle n'eut aucun problème à identifier cette langue qu'elle avait apprise quelques années plus tôt au collège: l'espagnol: elles avaient atterri d'une manière ou d'une autre en Espagne. Mlle Sellier secoua violemment Sophie, qui manifestement était devenue sa nouvelle compagne dans cette aventure rocambolesque.
- Fafa, laisse-moi encore dormir, lâcha-t-elle d'une voix encore endolorie.
- Réveille-toi innocente, répliqua Françoise. On a été parachutées en Espagne!

Sophie, émergeant de sa semi-conscience, commença à maugréer, tout en secouant sa compagne:
- Mon Dieu, mon Dieu !
- Arrête de paniquer, lui rétorqua Françoise, allons plutôt jeter un oeil dans un kiosque à journaux pour savoir où l'on est et surotut quel jour on est.

Sur cette bonne idée, les deux jeunes femmes marchèrent le long de la rue pour trouver l'endroit souhaité. Elles s'étonnèrent tout de même de l'accoutrement des passants, qui paraissait plus traditionnel que total trop mode. Après avoir aprcouru une trentaine de mètres, elles aperçurent un tabac où elles pourraient feuilleter le journal du coin. Et stupéfaction totale, elles apprirent qu'elles se trouvaient à Barcelone - ce qui n'étonna pas notre perspicace Françoise - mais que la date qui était inscrite sur le journal était le 12 juillet... 1936! De quoi faire paniquer le plus flegmatique des Anglais! Alors comme ça, Fafa détenait le pouvoir de voyager dans le temps et surtout de faire voyager dasn le temps pour se débarrasser des âmes gênantes sans devoir réellement les tuer. "C'est que peut-être finalement il avait un peu de coeur", pensa-t-elle. Jusqu'au moment où elle se rendit compte que la date coïncidait avec le mois où la guerre civile espagnole avait commencé. Ma foi, après tout ce qu'elle avait vécu, elle était habituée aux situations vacillantes, où sa vie était mise en péril. De plus, cela rendrait immensément jaloux Nicolas, Serge et Stéphanie du Spectrum, eux qui avaient permis à Françoise de rafraîchir sa petite mémoire d'étudiante, par le biais des articles qu'elle avait pu lire lorsqu'elle résidait dans ce trou à mites qu'était la salle de rédaction du périodique susmentionné. Le fait de vivre dans une autre époque lui rappela ces films qu'elle dévorait lorsqu'elle était encore une jeune adolescente.

Sophie, qui avait l'air encore peu vivace, acquiesça de la tête en déclarant: "Comme ça en plus, on pourra refaire notre vie. Qui sait, on deviendra peut-être des amies inséparables".

Buláfez, encore lui !
Elles continuèrent leur chemin dans cette même rue et elles arrivèrent à un café-terrasse, où elles eurent l'impresion de distinguer, parmi les autochtones, un visage connu. Mais oui, cet homme assis tranquillement devant une cerveza ressemblait étrangement à ce satané professeur d'hagiozoonymie, Monsieur Buláfez. Après reconsidération des faits, c'était sûr qu'elles avaient affaire à lui.

Françoise, qui tout au long des épisodes commençait à sérieusement en avoir marre de cette gent masculine, décida de mettre en pratique ce qu'elle avait appris chez les Chiennes de Garde. Elle prit Sophie Barjac par le bras et alla se poster juste en face de Buláfez. Elle lui mit une claque.
- Salaud ! ajouta-t-elle en guise de fioriture à son accueil doux et féminin.
- Mais qu'est-ce que vous faites ici, effrontées? répondit le professeur tout aussi calmement.
- C'est moi qui pose les questions à partir de maintenant! Bougre, que faites-vous ici? Et pas de mensonge cette fois, sinon je ne donnerai pas cher de votre vie, qui est pour moi insignifiante.
- Calmez-vous Mademoiselle... Très bien, puisque vous le souhaitez... J'ai eu quelques problèmes avec la mafia, de très gros même. Je ne tiens pas à m'élargir sur ce sujet, mais Fafa, qui a eu pitié de moi, a voulu m'aider. Je ne le croyais pas au départ, mais il m'a dit qu'au lieu de me donner une nouvelle identité, il pouvait me donner une autre époque. Il m'a proposé 1936 à Barcelone. J'étais très sceptique quant à la véracité des faits, mais je me suis dit que je n'avais rien à perdre. J'ai donc bu le produit qu'il m'avait donné dans une pipette du département de chimie de l'université. Et je me suis réveillé ici.

Sophie et Françoise n'en croyaient pas leurs yeux, mais elles devaient voir la vérité en face: Buláfez ne mentait sûrement pas et c'était leur seul espoir de toute manière.

Tout à coup, elles entendirent un homme de langue française crier:
- Coupez! C'est dans la boîte! On fait une pause et on reprend dans une heure!

A ce moment-là, tout un dispositif de caméras jaillit du décor et les personnes présentes sur la terrasse se levèrent de leur place...

Benoît Perriard

Retour au sommaire du feuilleton
Retour à la une